Covid-19 et perte d’exploitation : pensez à interroger votre assurance professionnelle !

Les entreprises sont confrontées à une perte de chiffre d’affaires liée à la crise sanitaire actuelle.

Ce manque à gagner peut être indemnisé en cas de couverture par une garantie de pertes d’exploitation qui a pu être souscrite directement par l’entreprise ou par l’intermédiaire de son courtier.

Définition

La garantie perte d’exploitation est un contrat d’assurance, non obligatoire, permettant à un professionnel de rétablir ses résultats financiers lorsque le risque garanti se produit et entraîne une perte d’exploitation, de compenser les pertes liées à une diminution du chiffre d’affaires, notamment en couvrant les frais généraux permanents (loyers, impôts et taxes, salaires, intérêts d’emprunt, etc).

L’objectif est de replacer l’entreprise dans la situation financière qui aurait été la sienne en période normale, si la crise sanitaire liée au covid-19 n’avait pas eu lieu.

La garantie est soit une assurance autonome qui fait l’objet d’un contrat spécifique, soit souscrite en parallèle à une assurance de dommages matériels (vol, incendie, etc) au titre des garanties accessoires.

Elle peut être rédigée de la façon suivante :

« La garantie perte d’exploitation du présent contrat est subordonnée à l’existence au jour du sinistre d’une assurance couvrant les dommages matériels causés par les évènements garantis par le présent contrat ».

La difficulté dans la situation de crise sanitaire actuelle est qu’elle engendre des pertes d’exploitation sans causer de dommage matériel.

C’est la raison pour laquelle les compagnies d’assurance vont très souvent refuser de garantir les conséquences financières de cette crise.

L’assuré peut également avoir souscrit une extension de garantie s’appliquant au cas de fermeture administrative par exemple et couvrant la perte d’exploitation en découlant.

Le chef d’entreprise devra identifier dans son contrat multirisques professionnel l’existence ou non d’une garantie du risque de fermeture de son établissement à raison d’une crise sanitaire ou d’un évènement assimilé.

Il conviendra de s’assurer que la garantie n’exclue pas le risque épidémique/de pandémie.

En effet, et notamment dans le secteur de la restauration, des contrats couvrent fréquemment le risque épidémique et la fermeture imposée par l’administration en raison de l’existence d’un risque sanitaire ou hygiénique.

Cette clause peut être rédigée de la façon suivante :

« Sont garanties les pertes d’exploitation résultant d’une impossibilité d’accès à votre établissement à raison d’une décision des pouvoirs publics et consécutives à une maladie contagieuse, une épidémie, un trouble à la sécurité des personnes, un homicide ou un suicide commis dans l’enceinte de l’établissement… ».

Position des assureurs :

Dans les cas d’épidémie, pandémie, coronavirus, l’assureur invoque deux choses :

  • la nécessité d’un dommage matériel préalable (incendie, inondation, etc) ; certaines compagnies, comme cela a été évoqué ci-dessus, et notamment AXA ou le groupe COVEA (qui regroupe la MAAF, MMA et la GMF) n’exigent pas la survenance d’un tel dommage et proposent une garantie pertes d’exploitation dans le cas de fermeture imposée par une autorité administrative ; l’obstacle du dommage matériel préalable est alors levé et l’assuré peut ainsi invoquer l’arrêté ministériel du 15 mars 2020 publié au journal officiel du 16 mars 2020 pour solliciter la prise en charge par l’assureur ;
  • une clause d’exclusion mentionnant que les cas d’épidémies/pandémies sont exclus de la garantie.

La compagnie MMA a annoncé débloquer une indemnité de crise sanitaire à l’attention de ses clients professionnels pour compenser une partie des pertes d’exploitation. Cette prime comprise entre 1.500 et 10.000 € s’adresse aux clients professionnels de la compagnie et couverts en perte d’exploitation après incendie.

Le CREDIT MUTUEL, le CIC, le CREDIT AGRICOLE ou encore la SOCIETE GENERALE ont décidé d’indemniser les pertes d’exploitation de leurs clients dues au coronavirus.

Le groupe COVEA a également suivi le mouvement, en précisant que le geste commercial s’ajoute aux prises en charges de la perte d’exploitation prévues par certains contrats de la MAAF.

On note ainsi que les assureurs sont inquiets des insatisfactions de leurs clients et des éventuelles actions à venir à leur encontre et proposent pour certains :

  • une gratuité des cotisations/primes pendant quelques mois,
  • le versement d’une somme forfaitaire, à titre de geste commercial et relatif à la perte d’exploitation (geste qui pourrait masquer dans certains cas un refus injustifié de garantir la perte d’exploitation selon les conditions contractuelles prévues entre les parties…).

Possibilité d’une action en justice :

Le 22 mai 2020, le Tribunal de commerce de PARIS a répondu favorablement à la demande de condamnation de l’assureur à payer une somme provisionnelle au titre de la perte d’exploitation d’un restaurateur, à hauteur de 45.000 €, et a désigné un expert ayant pour mission d’évaluer le montant des dommages résultant de la perte de marge brute ainsi que celui relatif aux frais supplémentaires d’exploitation sur la période de fermeture administrative du restaurant.

Le juridiction, saisie en référé, n’a pas retenu l’argumentaire de la compagnie AXA visant à soutenir que le risque relatif aux pertes d’exploitation consécutives à une pandémie était inassurable par un mécanisme d’assurance privée.

Le juge des référés a également relevé l’absence de mention expresse du caractère inassurable des conséquences d’une pandémie.

Cette première décision favorable à l’assuré ouvre la porte à d’autres indemnisations de professionnels pour pertes d’exploitation notamment dans le secteur de la restauration ou pour les cafés, bars, hôtels, salles de sports, discothèques, etc.

Nos conseils :

  1. Si votre contrat d’assurance professionnelle comprend une garantie perte d’exploitation : déclarez rapidement par écrit (mail + LRAR) le sinistre auprès de votre assureur en y joignant les justificatifs de réalisation du risque garanti et de la perte subie, le cas échéant en concertation avec votre comptable ou expert-comptable ; l’objet de la lettre devra préciser qu’il s’agit d’une demande de règlement d’indemnités d’assurance pour notamment constituer un acte interruptif de prescription ;
  2. En cas de refus de l’assureur ou de proposition d’indemnisation estimée minime, ne pas hésiter à contester le refus pour entamer une négociation avec la compagnie et le cas échéant, faire procéder par un avocat à l’analyse de votre contrat afin de vérifier le caractère justifié ou non dudit refus et de discuter directement avec l’assureur ou son conseil.

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Clement Diaz Avocat