De nombreuses résidences de tourisme sont la propriété de sociétés civiles immobilières d’attributions qui donnent à leurs associés, en contrepartie de leurs prises de participations, un droit de jouissance sur une période et une durée déterminée, généralement d’une semaine, d’un logement précis au sein de la résidence (loi n° 86-18 du 6 janvier 1986).
Ce système a été développé dans les années 1970/1980 et a permis à de nombreuses familles sans gros revenus, de pouvoir bénéficier de vacances dans des zones touristiques dans lesquelles l’accession à la pleine propriété est rendue difficile (stations balnéaires ou stations de sports d’hiver).
Ces participations ont longtemps été commercialisées sous la dénomination trompeuse de multipropriété alors que les occupants d’un même logement ne sont pas propriétaires du bien, mais seulement associés de la société et détenteurs de parts leur conférant des droits et obligations.
Nombreux acquéreurs sont aujourd’hui âgés et se retrouvent dans une situation difficile, puisque devant payer des charges d’associé pour un logement dont ils ne peuvent plus jouir (problème de santé, difficulté de déplacement, etc).
Se pose alors la question de savoir comment se retirer de ladite société.
Pour se retirer, l’associé doit :
- Soit faire valider sa demande de cession de parts par une décision unanime des associés lors d’une assemblée générale de la société ;
- Soit attendre la dissolution de la société ;
- Soit faire jouer son retrait de droit si les parts ont été reçues par succession moins de deux ans avant la demande de retrait ;
- Soit faire valider par un Tribunal son droit de retrait pour juste(s) motif(s).
Il est difficile de trouver un acquéreur des parts pour deux raisons principales :
- il n’y a quasiment pas de marché secondaire des parts d’occupation à cause de l’absence d’acheteur ; seules quelques sociétés spéculatrices se sont spécialisées dans la reprise des parts de SCI à temps partagé ;
- les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec l’agrément de tous les associés (article 1861 du code civil).
Il convient donc de s’intéresser à la notion de « justes motifs » prévue par l’article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986 et permettant d’invoquer un droit de retrait :
« Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice, notamment lorsque l’associé est bénéficiaire des minima sociaux ou perçoit une rémunération inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance, ou lorsque l’associé ne peut plus jouir du lot qui lui a été attribué du fait de la fermeture ou de l’inaccessibilité de la station ou de l’ensemble immobilier concerné. »
Cette énumération n’est pas exhaustive et limitative et permet donc à l’associé souhaitant se retirer d’invoquer d’autres motifs qui seront alors soumis à l’appréciation du juge du fond.
Cette notion de « justes motifs » est peu aisée à caractériser ; il peut notamment y être fait référence pour des raisons liées à la situation personnelle de l’associé.
Il convient alors d’étudier la jurisprudence rendue à ce sujet.
Il a été jugé pour exemple, l’existence d’un juste motif pour les raisons suivantes en raison de l’âge et de l’état de santé de l’associé :
- associé âgé de 94 ans justifiant par des certificats médicaux être dans l’impossibilité de voyager et de se déplacer, souffrir de problèmes cardiaques et d’un handicap pour marcher (Tribunal Judiciaire de NICE du 6 mars 2020) ;
- associé âgé de 76 ans présentant une insuffisance respiratoire sévère de type BPCO, sous oxygène 24h/24h (CA Chambéry du 15 janvier 2013) ;
- associés âgés de plus de 80 ans atteints de pathologies respiratoires et ne leur permettant pas de séjourner en altitude et donc dans le logement situé à LA PLAGNE (CA Chambéry du 15 janvier 2013 + CA Chambéry du 21 mai 2013) ;
- associés nés en 1935 et 1939 justifiant que l’état de santé de l’épouse ne lui permet plus les déplacements sur de longues distances et les absences prolongées de son domicile (pour un appartement à Ténérife) et, que l’état mental de leur fille les empêche également de se rendre aux iles Canaries (TGI de Nanterre du 13 septembre 2012) ;
- associée âgée de 87 ans justifiant être atteinte de pathologies la contraignant à une mobilité extrêmement et de plus en plus réduite, par difficultés majeures de marche et, époux âgé de 86 ans et présentant un déficit moteur majeur et définitif contrindiquant tout déplacement pour un long trajet dans le Var (TGI de Paris du 7 novembre 2012) ;
- associés âgés de 85 et 86 ans justifiant de certificats médicaux laissant apparaître pour l’un une aggravation d’état de santé suite à AVC (troubles de l’équilibre, démarche hésitante) et pour l’autre, une perte d’autonomie avec un handicap de 80 % d’invalidité, en fauteuil roulant (TGI Bonneville du 6 décembre 2017) ;
- associés demeurant à pratiquement 1000 kilomètres de la résidence de tourisme et alors que les époux justifient pour l’un, qu’il ne peut effectuer de longs trajets ni des efforts prolongés et qui ne peut être en position assise longtemps (CA Rennes du 13 février 2018) ;
- associés démontrant des problèmes de santé et avoir tenté vainement de mettre en vente leurs parts à un prix modique (CA Paris du 23 janvier 2018).
En revanche, il a été considéré que l’associé ne justifiait pas de l’existence d’un juste motif au sens de la loi précitée pour prétendre se retirer de la société dans les cas suivants:
- associé qui sollicitait le retrait compte-tenu d’une contre-indication médicale de voyager en avion qu’il justifiait par la production d’un certificat médical (CA de Paris du 28 juin 2013 & CA de Paris du 20 décembre 2012) ;
- associé justifiant d’une impossibilité de continuer à bénéficier personnellement du bien situé à Meribel à 1700 mètres d’altitude pour des raisons de santé, mais ne démontrant pas des démarches sérieuses pour vendre ses parts sociales et l’impossibilité dans laquelle il serait de revendre ses parts (TGI de Paris du 2 juin 2016) ;
- associé n’établissant pas, par la seule allégation de son âge et de ses problèmes de santé, un motif légitime lui ouvrant droit au retrait sollicité dans la mesure où la jouissance des droits peut également se réaliser par le prêt, l’échange ou la location et que le retrait est très désavantageux pour les autres propriétaires qui devront supporter les charges (CA de Chambéry du 11 avril 2013) ;
- associé, qui faisait état de deux certificats médicaux mentionnant une opération de la hanche et un suivi cardiaque, mais ne démontrant pas une réelle impossibilité de vendre, ne justifiant d’aucune démarche pour louer les semaines attribuées, et démontrant seulement que si le cession de parts est difficile, elle n’est pas impossible (CA de Nancy du 27 mars 2014).
L’on s’aperçoit que des faits d’espèce semblant similaires ont donné lieu à des décisions allant dans un sens opposé les unes des autres.
Une chose est sûre : la demande de retrait pour juste motif, si elle veut prospérer, doit être démontrée par des pièces et démarches sérieuses et multiples.