AIRBNB reconnue responsable de l’activité illicite exercée par ses hôtes, et condamnée.

AIRBNB reconnue responsable de l’activité illicite exercée par ses hôtes, et condamnée.

Véritable bombe pour les plateformes publiant les annonces de logement pour une courte durée : Airbnb a été reconnue comme éditeur, et non simple hébergeur, des contenus déposés sur son site.

Une propriétaire a vu son logement sous-loué par sa locataire sans autorisation sur la plateforme Airbnb pendant 534 jours, ce qui a permis à la locataire d’encaisser la somme de 51.936,61 €.

Le Tribunal judiciaire de PARIS, aux termes de son jugement rendu le 5 juin 2020 précise :

« L’ensemble de ces éléments témoigne du caractère actif de la démarche de la société AIRBNB dans la mise en relation des hôtes et des voyageurs et de son immiscion dans le contenu déposé par les hôtes sur sa plate-forme.

 Il est dès lors établi que la société AIRBNB n’exerce pas une simple activité d’hébergement à l’égard des hôtes qui ont recours à son site mais une activité d’éditeur.

Dès lors que l’hôte exerce une activité illicite par son intermédiaire, compte tenu de son droit de regard sur le contenu des annonces et des activités réalisées par son intermédiaire en qualité d’éditeur, elle commet une faute en s’abstenant de toute vérification, laquelle concourt au préjudice subi par le propriétaire. »

Airbnb est condamnée à payer à la propriétaire à titre de dommages et intérêts la somme de 51.936,61 € correspondant aux sous-loyers encaissés par la locataire ainsi que 1.558,20 € correspondant aux commissions perçues par la plateforme.

Airbnb doit donc opérer un contrôle a priori et non seulement a posteriori, de la légalité des annonces publiées sur son site.

A défaut, elle sera responsable, comme a priori les autres plateformes publiant des annonces de location en meublé touristique dite location saisonnière, des actes commis par ses utilisateurs et devra répondre des agissements illicites de ceux-ci sur la plateforme.

Covid-19 et perte d’exploitation : restaurateurs vs Axa, épisodes 2 et 3

Covid-19 et perte d’exploitation : restaurateurs vs Axa, épisodes 2 et 3

J’ai récemment invité, dans un précédent article, les professionnels, et notamment les restaurateurs, à interroger leur assureur professionnel et à déclarer un sinistre au titre de la garantie perte d’exploitation qui serait incluse dans leur contrat d’assurance multirisques professionnel.

Episode 1 :

Il est rappelé que le 22 mai 2020, le Tribunal de commerce de PARIS a répondu favorablement à la demande de condamnation de l’assureur à payer une somme provisionnelle au titre de la perte d’exploitation d’un restaurateur, à hauteur de 45.000 €, et a désigné un expert ayant pour mission d’évaluer le montant des dommages résultant de la perte de marge brute ainsi que celui relatif aux frais supplémentaires d’exploitation sur la période de fermeture administrative du restaurant.

Episode 2 :

C’est au tour du Tribunal de commerce de de LYON, saisi en référé, de s’être prononcé le 10 juin 2020.

Les conditions particulières du contrat, souscrit par le restaurateur exerçant dans le Beaujolais auprès d’Axa, prévoient :

« Perte d’exploitation suite à fermeture administrative

La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

  1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même,
  2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication. »

L’assureur a limité la portée de l’exigibilité de la clause « perte d’exploitation » en ajoutant l’exclusion suivante :

« les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, qu’elle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental, que celui de l’établissement assuré, d’une mesure administrative, pour une cause identique ».

Le restaurateur estimait que l’exclusion consistait en une clause abusive et devant être considérée comme non-écrite ; les parties se sont également opposées sur les définitions des termes épidémie ou pandémie.

Le juge des référés a à juste titre relevé que l’utilisation du terme épidémie incluait celui de pandémie.

Il a rappelé :

  • que ses pouvoirs juridictionnels lui permettaient de faire application d’un contrat mais pas de l’interpréter et, qu’il pouvait considérer une clause comme non-écrite uniquement si cet élément était non sérieusement contestable,
  • que pour faire droit aux demandes du restaurateur, il serait nécessaire de relever qu’il est non sérieusement contestable que la clause d’exclusion vide de sa substance la clause de garantie, autrement dit qu’elle prive la garantie de l’essentiel recherché par le souscripteur.

Le magistrat a ainsi considéré :

« l’hypothèse d’une fermeture administrative circonscrite à un seul établissement n’est pas totalement inconcevable en début ou en fin d’épidémie lorsque des regroupements de cas, dits clusters, naissent. »

« l’exclusion n’étant pas totale et illimitée, il convient d’analyser si l’essentiel de l’obligation a été retirée ; que ce pouvoir n’appartient pas au juge des référés mais au juge du fond. »

Le restaurateur a donc été débouté et l’affaire a été renvoyée au fond à l’audience du Tribunal du 1er juillet 2020.

Cette décision semble logique au vu du cas d’espèce et il reviendra au juge du fond de trancher le litige.

L’ordonnance est disponible au lien ci-dessous.

https://www.linkedin.com/posts/gtclyon_ordonnance-r%C3%A9f%C3%A9r%C3%A9-pertes-exploitation-covid-activity-6676379632972902401-a1Bi

Episode 3 :

Le Tribunal de commerce de BORDEAUX a lui aussi été saisi en référé à la requête d’un restaurateur à l’encontre de la compagnie Axa.

L’assureur a refusé sa garantie au motif que « sont exclues de la garantie les pertes d’exploitation lorsqu’à la date de la fermeture, au moins un établissement (…) fait l’objet, (…) d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique » et ce, dans le même département.

Il semble donc que les faits d’espèce soient les mêmes que ceux présentés au juge lyonnais.

La décision sera rendue le 23 juin et tout porte à croire que le juge des référés, tout comme celui de LYON, se déclarera incompétent au profit du juge du fond.

La saga ne fait que commencer et nous attendons l’épisode 4.

Affaire Olympique Lyonnais c/ LFP et saison 2019-2020 : classement de la Ligue 1 entériné

Affaire Olympique Lyonnais c/ LFP et saison 2019-2020 : classement de la Ligue 1 entériné

Le 30 avril 2020, lors de sa réunion téléphonique, le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel (LFP) a mis fin à la saison 2019-2020 et enregistré le classement du championnat de Ligue 1 sur la base d’un quotient tenant compte du nombre de points obtenus et du nombre de rencontres disputées par les équipes.

C’est cette décision qui a été contestée par l’OLYMPIQUE LYONNAIS (SA et SASU), qui espérait une reprise des compétitions ou à défaut, de faire de la saison 2019-2020 une « saison blanche ».

Il est précisé que la Fédération française de football (FFF) s’est associée à l’argumentaire de la LFP.

Aux termes de son ordonnance rendue le 9 juin 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat a notamment rappelé la chronologie suivante :

  • La loi du 23 mars 2020 a déclaré l’état d’urgence sanitaire et un décret du même jour a prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 ; ce régime est resté applicable jusqu’au 11 mai 2020, soit postérieurement à l’édiction des décisions du conseil d’administration de la LFP contestées ;
  • Dès le 13 mars 2020, le conseil d’administration de la LFP a décidé de suspendre les compétitions organisées par la Ligue puis un groupe au sein de la Ligue a travaillé à l’élaboration des conditions d’une éventuelle reprise des compétitions ;
  • Le 16 avril 2020, le comité exécutif de la FFF a pris la décision de prononcer la fin des compétitions pour le football amateur ;
  • Le 28 avril 2020, le Premier ministre a indiqué que « la saison 2019-2020 de sport professionnel, notamment celle de football, ne pourra pas reprendre » et le 30 avril 2020, la ministre des sports a précisé « qu’aucune compétition sportive ne pourra avoir lieu avant le mois d’août, y compris à huis clos ».

Sur la décision de mettre un terme définitif à la saison 2019-2020 :

Le juge des référés a également rappelé qu’à cette date, l’UEFA avait fait connaître aux fédérations nationales son souhait de voir les compétitions prendre fin au plus tard le 3 août 2020 et que c’est dans ce contexte des annonces gouvernementales d’une part, des contraintes du calendrier d’autre part et, au regard de la nécessité de préserver la santé de tous les acteurs des rencontres de football et de l’intérêt s’attachant à ce que les clubs disposent de la visibilité nécessaire pour gérer l’intersaison et organiser la saison 2020-2021 que le CA de la Ligue a pris la décision d’arrêter de façon définitive le championnat de Ligue 1.

C’est dans ces conditions que le juge des référés a considéré que le CA de la LFP, qui a pesé les avantages et les inconvénients d’une décision immédiate, n’a pas méconnu sa propre compétence ni entaché sa décision d’une erreur de droit (en se croyant lié à tort par une décision gouvernementale), de fait ou d’une erreur manifeste d’appréciation de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

Sur la décision de procéder à un classement du championnat de Ligue 1 pour la saison 2019-2020 :

Il est rappelé que la 28ème journée de championnat n’a pu intégralement être disputée.

Le CA de la LFP a décidé d’appliquer un indice de performance défini comme le quotient issu du rapport entre le nombre de points marqués et le nombre de matches disputés.

Choix d’arrêter un classement se fondant sur les rencontres déjà disputées :

Le juge des référés a rappelé qu’il incombait au CA de la LFP de déterminer les conséquences à tirer de l’interruption des championnats et que ce dernier a pu légalement faire le choix d’arrêter le principe d’un tel classement dans la mesure où 73 % des rencontres avaient pu être disputées de sorte que ce choix ne pouvait être regardé comme méconnaissant l’objectif d’équité et d’intégrité des compétitions sportives.

Choix des modalités de classement du championnat de Ligue 1 :

La solution choisie par le CA de la LFP, selon le magistrat, n’est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision au motif que l’indice de performance retenu présente l’avantage de prendre en compte l’intégralité des rencontres disputées.

Le juge des référés ajoute que le CA de la LFP s’est borné à utiliser une méthode qui l’avait été antérieurement par la FFF pour les clubs amateurs de sorte que ce choix n’a pas été motivé par la volonté de pénaliser le club lyonnais, comme a cru devoir l’affirmer ce dernier.

N’en déplaise à Monsieur AULAS, l’Olympique Lyonnais est bien 7ème de la saison 2019-2020 de Ligue 1.

Etant utile de rappeler qu’il s’agit d’une décision en référé, avec effet immédiat et exécutoire, mais dont les mesures ont un caractère provisoire, c’est-à-dire non définitif, dans la mesure où ladite décision de référé est susceptible d’être remise en cause par le juge qui statuerait sur le fond de l’affaire.

S’agissant de la même décision du conseil d’administration de la LFP ayant relégué en Ligue 2 les clubs d’Amiens et Toulouse, le juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que cette décision était entachée d’une erreur de droit de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité au motif que le CA de la LFP s’est basé sur la convention conclue entre la LFP et la FFF qui prévoit une Ligue 1 entre 18 et 20 clubs, alors même que cette convention prend fin le 30 juin 2020 et ne régit pas la saison 2020-2021.

La décision de reléguer les deux clubs précités est donc suspendue et le juge des référés a enjoint la LFP de réexaminer d’ici le 30 juin 2020 la question du format de la ligue 1 pour la saison 2020-2021.

Nul doute que la LFP et la FFF vont rapidement mettre en œuvre les conditions du déroulement de la saison 2020-2021 sur un format à 20 clubs de nature à justifier de plus fort la relégation des clubs d’Amiens et de Toulouse.

Ces batailles juridiques vont en tout état de cause laisser des traces dans les rapports entre la LFP, la FFF et certains clubs d’une part et, entre les clubs eux-mêmes d’autre part.

Covid-19 et perte d’exploitation : restaurateurs vs Axa, épisodes 2 et 3

Covid-19 et perte d’exploitation : pensez à interroger votre assurance professionnelle !

Les entreprises sont confrontées à une perte de chiffre d’affaires liée à la crise sanitaire actuelle.

Ce manque à gagner peut être indemnisé en cas de couverture par une garantie de pertes d’exploitation qui a pu être souscrite directement par l’entreprise ou par l’intermédiaire de son courtier.

Définition

La garantie perte d’exploitation est un contrat d’assurance, non obligatoire, permettant à un professionnel de rétablir ses résultats financiers lorsque le risque garanti se produit et entraîne une perte d’exploitation, de compenser les pertes liées à une diminution du chiffre d’affaires, notamment en couvrant les frais généraux permanents (loyers, impôts et taxes, salaires, intérêts d’emprunt, etc).

L’objectif est de replacer l’entreprise dans la situation financière qui aurait été la sienne en période normale, si la crise sanitaire liée au covid-19 n’avait pas eu lieu.

La garantie est soit une assurance autonome qui fait l’objet d’un contrat spécifique, soit souscrite en parallèle à une assurance de dommages matériels (vol, incendie, etc) au titre des garanties accessoires.

Elle peut être rédigée de la façon suivante :

« La garantie perte d’exploitation du présent contrat est subordonnée à l’existence au jour du sinistre d’une assurance couvrant les dommages matériels causés par les évènements garantis par le présent contrat ».

La difficulté dans la situation de crise sanitaire actuelle est qu’elle engendre des pertes d’exploitation sans causer de dommage matériel.

C’est la raison pour laquelle les compagnies d’assurance vont très souvent refuser de garantir les conséquences financières de cette crise.

L’assuré peut également avoir souscrit une extension de garantie s’appliquant au cas de fermeture administrative par exemple et couvrant la perte d’exploitation en découlant.

Le chef d’entreprise devra identifier dans son contrat multirisques professionnel l’existence ou non d’une garantie du risque de fermeture de son établissement à raison d’une crise sanitaire ou d’un évènement assimilé.

Il conviendra de s’assurer que la garantie n’exclue pas le risque épidémique/de pandémie.

En effet, et notamment dans le secteur de la restauration, des contrats couvrent fréquemment le risque épidémique et la fermeture imposée par l’administration en raison de l’existence d’un risque sanitaire ou hygiénique.

Cette clause peut être rédigée de la façon suivante :

« Sont garanties les pertes d’exploitation résultant d’une impossibilité d’accès à votre établissement à raison d’une décision des pouvoirs publics et consécutives à une maladie contagieuse, une épidémie, un trouble à la sécurité des personnes, un homicide ou un suicide commis dans l’enceinte de l’établissement… ».

Position des assureurs :

Dans les cas d’épidémie, pandémie, coronavirus, l’assureur invoque deux choses :

  • la nécessité d’un dommage matériel préalable (incendie, inondation, etc) ; certaines compagnies, comme cela a été évoqué ci-dessus, et notamment AXA ou le groupe COVEA (qui regroupe la MAAF, MMA et la GMF) n’exigent pas la survenance d’un tel dommage et proposent une garantie pertes d’exploitation dans le cas de fermeture imposée par une autorité administrative ; l’obstacle du dommage matériel préalable est alors levé et l’assuré peut ainsi invoquer l’arrêté ministériel du 15 mars 2020 publié au journal officiel du 16 mars 2020 pour solliciter la prise en charge par l’assureur ;
  • une clause d’exclusion mentionnant que les cas d’épidémies/pandémies sont exclus de la garantie.

La compagnie MMA a annoncé débloquer une indemnité de crise sanitaire à l’attention de ses clients professionnels pour compenser une partie des pertes d’exploitation. Cette prime comprise entre 1.500 et 10.000 € s’adresse aux clients professionnels de la compagnie et couverts en perte d’exploitation après incendie.

Le CREDIT MUTUEL, le CIC, le CREDIT AGRICOLE ou encore la SOCIETE GENERALE ont décidé d’indemniser les pertes d’exploitation de leurs clients dues au coronavirus.

Le groupe COVEA a également suivi le mouvement, en précisant que le geste commercial s’ajoute aux prises en charges de la perte d’exploitation prévues par certains contrats de la MAAF.

On note ainsi que les assureurs sont inquiets des insatisfactions de leurs clients et des éventuelles actions à venir à leur encontre et proposent pour certains :

  • une gratuité des cotisations/primes pendant quelques mois,
  • le versement d’une somme forfaitaire, à titre de geste commercial et relatif à la perte d’exploitation (geste qui pourrait masquer dans certains cas un refus injustifié de garantir la perte d’exploitation selon les conditions contractuelles prévues entre les parties…).

Possibilité d’une action en justice :

Le 22 mai 2020, le Tribunal de commerce de PARIS a répondu favorablement à la demande de condamnation de l’assureur à payer une somme provisionnelle au titre de la perte d’exploitation d’un restaurateur, à hauteur de 45.000 €, et a désigné un expert ayant pour mission d’évaluer le montant des dommages résultant de la perte de marge brute ainsi que celui relatif aux frais supplémentaires d’exploitation sur la période de fermeture administrative du restaurant.

Le juridiction, saisie en référé, n’a pas retenu l’argumentaire de la compagnie AXA visant à soutenir que le risque relatif aux pertes d’exploitation consécutives à une pandémie était inassurable par un mécanisme d’assurance privée.

Le juge des référés a également relevé l’absence de mention expresse du caractère inassurable des conséquences d’une pandémie.

Cette première décision favorable à l’assuré ouvre la porte à d’autres indemnisations de professionnels pour pertes d’exploitation notamment dans le secteur de la restauration ou pour les cafés, bars, hôtels, salles de sports, discothèques, etc.

Nos conseils :

  1. Si votre contrat d’assurance professionnelle comprend une garantie perte d’exploitation : déclarez rapidement par écrit (mail + LRAR) le sinistre auprès de votre assureur en y joignant les justificatifs de réalisation du risque garanti et de la perte subie, le cas échéant en concertation avec votre comptable ou expert-comptable ; l’objet de la lettre devra préciser qu’il s’agit d’une demande de règlement d’indemnités d’assurance pour notamment constituer un acte interruptif de prescription ;
  2. En cas de refus de l’assureur ou de proposition d’indemnisation estimée minime, ne pas hésiter à contester le refus pour entamer une négociation avec la compagnie et le cas échéant, faire procéder par un avocat à l’analyse de votre contrat afin de vérifier le caractère justifié ou non dudit refus et de discuter directement avec l’assureur ou son conseil.

Le Covid19 constitue-t-il un cas de force majeure pouvant justifier l’inexécution d’une obligation contractuelle ?

Le Covid19 constitue-t-il un cas de force majeure pouvant justifier l’inexécution d’une obligation contractuelle ?

Le Ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a déclaré le 28 février 2020 que « l’Etat considère le coronavirus comme un cas de force majeure pour les entreprises. »

L’ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020 permet quant à elle « du fait de la situation actuelle constituant la force majeure » de ne pas mettre en jeu la responsabilité pécuniaire des comptables publics.

Dans ces conditions, le débiteur d’une obligation de payer ou de faire peut-il invoquer le Covid-19 pour justifier une inexécution contractuelle et solliciter la résolution d’un contrat ou à tout le moins la suspension de l’exécution dudit contrat ?

I/ Définition de la force majeure en matière contractuelle

Aux termes de l’article 1218 du code civil :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

Le caractère de force majeure reste soumis à l’appréciation souveraine des Tribunaux.

Il convient en revanche de préciser que les dispositions précitées de l’article 1218 du code civil ne sont pas impératives, de sorte que les parties peuvent librement aménager dans leur contrat les conditions de la force majeure ainsi que ses effets.

II/ Etude jurisprudentielle dans le cadre d’autres épidémies/virus

Les décisions rendues dans le cadre d’autres épidémies ont toutes rejetées le cas de force majeure que ce soit pour le Chikungunya sur l’île de la Réunion ou sur l’île de Saint-Barthélemy (CA Basse-Terre, 1ère Ch., 29 mars 2016, n° 15/12113 ; CA Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739), l’épidémie de Dingue en Martinique (CA Nancy, 22 novembre 2010, n° 09/00003), l’épidémie de grippe H1N1 (CA Besançon, 8 janvier 2014, n° 12/0229) ou encore l’épidémie de grippe aviaire (CA Toulouse, 3 octobre 2019, n° 19/01579).

Les juges ont considéré dans ces cas que les maladies ne pouvaient être invoquées pour refuser d’exécuter un contrat et ce, aux motifs que soit que les maladies, leurs risques de diffusion et leurs effets sur la santé étaient connus, soit qu’elles n’étaient pas assez mortelles.

III/ Analogie avec le Covid19 ? A priori NON…

Suffit-il de transposer et d’appliquer la jurisprudence rendue dans le cadre des épidémies précitées, à celle du Covid-19 pour considérer que ce dernier n’est pas un cas de force majeure ? assurément non.

Il est précisé que sous l’empire de l’ancien article 1148 du code civil, le juge devait caractériser la force majeure par la réunion de trois éléments : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité.

Les nouvelles dispositions de l’article 1218 du code civil semblent être plus souples.

Quoi qu’il en soit, l’ampleur et la gravité du Covid-19 dépassent sans nul doute les épidémies précitées.

Par ailleurs et alors que pour exemple pour la Dengue, la Cour d’appel avait relevé qu’elle n’était pas imprévisible car elle se produisait régulièrement ni imprévisible dans son apparition ni irrésistible dans ses effets, ou encore la grippe H1N1 qui avait été annoncée et prévue, le caractère imprévisible du Covid-19 parait quant à lui non contestable.

En l’absence de traitement préventif d’une part et curatif d’autre part, le Covid-19 semble également présenter le caractère d’un évènement irrésistible.

Les décisions rendues à ce jour concernant le Covid-19 et qui vont dans le sens de la caractérisation de la force majeure sont toutefois à relativiser car concernant le contentieux du droit des étrangers et non, le droit des contrats.

Plusieurs décisions ont ainsi été rendues par la Cour d’appel de Douai qui a considéré :

  • que les circonstances de l’annulation du vol par les autorités italiennes, à destination de Naples, caractérisent la force majeure et ne sont pas imputables à un défaut de diligences des services de la préfecture (CA Douai du 4 mars 2020, n° 20/00395) ;
  • que « la fermeture du consulat de Guinée est un cas de force majeure qui n’est pas imputable aux services de la préfecture » (CA Douai du 5 mai 2020, n° 20/00660) ;
  • « vu la situation de force majeure résultant de la survenance brutale d’une épidémie mortelle empêchant tout déplacement sans risque de la personne retenue et justifiant le recours à la visioconférence ayant permis sans difficulté de communiquer avec X » (CA Douai du 26 avril 2020, n° 20/00639, n° 20/00640, n° 20/00641) ;
  • « l’annulation du vol du 20 mars 2020 résulte d’un cas de force majeure consécutive à la situation sanitaire liée au COVID 19 » (CA Douai du 23 avril 2020, n° 20/00632).

Si la partie au contrat a contracté le coronavirus et est tombé malade, l’on peut penser qu’elle pourrait alors invoquer le cas de force majeure.

A défaut d’avoir été directement et personnellement touché par l’épidémie, le débiteur d’une obligation devra, avant d’invoquer le cas de force majeure pour suspendre ou résoudre le contrat, étudier la chronologie de l’engagement contractuel et des différents textes, notamment arrêtés ministériels pris.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré, le 30 janvier 2020, que l’émergence d’un nouveau coronavirus (Covid-19) constitue une urgence de santé publique de portée internationale. 

Le 4 mars 2020, le ministre des solidarités et de la santé a pris un arrêté portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 interdisant notamment tout rassemblement de plus de 5 000 personnes.

Le 11 mars 2020, profondément préoccupée à la fois par les niveaux alarmants de propagation et de sévérité de la maladie, l’OMS a estimé que la COVID-19 peut être qualifié de pandémie.

Puis d’autres arrêtés ont réduit peu à peu le nombre de personnes pouvant se réunir et enfin tous les rassemblements en France ont été annulés et le confinement a été érigé.

La date à laquelle le contrat en cause a été souscrit permettra d’apprécier l’imprévisibilité de l’épidémie. L’imprévisibilité ne serait ainsi plus caractérisée à compter du 11 mars 2020.

La date du 11 mars pourrait être également retenue comme point de référence quant à l’exécution de l’obligation, date à partir de laquelle il pourrait être invoquée la force majeure comme motif régulier rendant impossible l’exécution d’un contrat.

Les évènements qui devaient avoir lieu avant les mesures de restriction et en tout état de cause avant le 11 mars 2020 et qui ont été annulés par précaution ne pourraient pas se prévaloir de la force majeure car ils n’étaient pas légalement contraints d’annuler l’évènement.

Bien entendu il faudra, pour celui qui invoque la force majeure, démontrer le lien entre l’évènement qu’est l’épidémie de Covid-19 d’une part et, l’impossibilité de payer ou d’exécuter en nature d’autre part.

IV/ Effets de la force majeure

Il est précisé que le cas de force majeure :

  • permet d’activer la clause dite « de force majeure » du contrat, si elle existe, qui peut prévoir le non remboursement d’une partie ou de la totalité du prix stipulé au contrat,
  • permet de s’exonérer de sa responsabilité contractuelle, par exemple en cas de préjudice invoqué par le client du fait du défaut d’exécution de la prestation (frais de transport ou d’hébergement déjà engagés par exemple).

Conformément à l’article 1218 précité du code civil, la force majeure suspend l’exécution du contrat.

Dans l’hypothèse où le report de l’obligation ou de l’évènement est possible, l’exécution du contrat est suspendue jusqu’à la fin de la période d’interdiction et reportée à la date fixée.

La procédure suivante peut être adoptée :

  • une nouvelle date est fixée dans un délai raisonnable,
  • une notification du report est adressée au cocontractant,
  • le contrat est suspendu jusqu’à la date prévue et les versements conservés.

C’est seulement lorsque l’empêchement est définitif que le contrat est résolu de plein droit, c’est-à-dire annulé avec effet rétroactif.

La mise en œuvre du stade 3 de lutte contre l’épidémie peut s’apparenter à un empêchement absolu.

Il est précisé qu’en l’absence de clause contractuelle particulière, les acomptes doivent être remboursés lorsque la prestation n’est pas exécutée. Ce, même en cas de force majeure.

Les seuls cas où les acomptes n’ont pas à être remboursés sont les suivants :

  • la prestation a été partiellement exécutée à hauteur, au moins, du montant de l’acompte,
  • les conditions générales de vente du prestataire prévoient qu’en cas de force majeure, l’acompte lui sera acquis.

Conclusion et points à retenir :

  • Il appartient au juge de déterminer si les conditions de la force majeure sont réunies et donc si l’inexécution contractuelle est ou non justifiée,
  • Le covid-19 semble pouvoir constituer un cas de force majeure en matière contractuelle et ce, à compter de la première quinzaine du mois de mars 2020, mais cela dépendra de chaque cas d’espèce et de la chronologie ci-dessus évoquée,
  • Le contrat peut écarter la force majeure comme cause d’inexécution,
  • La prudence impose une analyse sérieuse de la situation avant d’invoquer le cas de force majeure pour se délier de son obligation contractuelle,
  • Une négociation amiable peut être une solution adaptée aux deux parties : report, remboursement partiel, avoir, etc.
Le Covid19 constitue-t-il un cas de force majeure pouvant justifier l’inexécution d’une obligation contractuelle ?

« Time-share/multipropriété », résidence de tourisme : comment se retirer d’une société d’attribution d’immeuble en jouissance à temps partagé ?

De nombreuses résidences de tourisme sont la propriété de sociétés civiles immobilières d’attributions qui donnent à leurs associés, en contrepartie de leurs prises de participations, un droit de jouissance sur une période et une durée déterminée, généralement d’une semaine, d’un logement précis au sein de la résidence (loi n° 86-18 du 6 janvier 1986).

Ce système a été développé dans les années 1970/1980 et a permis à de nombreuses familles sans gros revenus, de pouvoir bénéficier de vacances dans des zones touristiques dans lesquelles l’accession à la pleine propriété est rendue difficile (stations balnéaires ou stations de sports d’hiver).

Ces participations ont longtemps été commercialisées sous la dénomination trompeuse de multipropriété alors que les occupants d’un même logement ne sont pas propriétaires du bien, mais seulement associés de la société et détenteurs de parts leur conférant des droits et obligations.

Nombreux acquéreurs sont aujourd’hui âgés et se retrouvent dans une situation difficile, puisque devant payer des charges d’associé pour un logement dont ils ne peuvent plus jouir (problème de santé, difficulté de déplacement, etc).

Se pose alors la question de savoir comment se retirer de ladite société.

Pour se retirer, l’associé doit :

  • Soit faire valider sa demande de cession de parts par une décision unanime des associés lors d’une assemblée générale de la société ;
  • Soit attendre la dissolution de la société ;
  • Soit faire jouer son retrait de droit si les parts ont été reçues par succession moins de deux ans avant la demande de retrait ;
  • Soit faire valider par un Tribunal son droit de retrait pour juste(s) motif(s).

Il est difficile de trouver un acquéreur des parts pour deux raisons principales :

  • il n’y a quasiment pas de marché secondaire des parts d’occupation à cause de l’absence d’acheteur ; seules quelques sociétés spéculatrices se sont spécialisées dans la reprise des parts de SCI à temps partagé ;
  • les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec l’agrément de tous les associés (article 1861 du code civil).

Il convient donc de s’intéresser à la notion de « justes motifs » prévue par l’article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986 et permettant d’invoquer un droit de retrait :

« Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice, notamment lorsque l’associé est bénéficiaire des minima sociaux ou perçoit une rémunération inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance, ou lorsque l’associé ne peut plus jouir du lot qui lui a été attribué du fait de la fermeture ou de l’inaccessibilité de la station ou de l’ensemble immobilier concerné. »

Cette énumération n’est pas exhaustive et limitative et permet donc à l’associé souhaitant se retirer d’invoquer d’autres motifs qui seront alors soumis à l’appréciation du juge du fond.

Cette notion de « justes motifs » est peu aisée à caractériser ; il peut notamment y être fait référence pour des raisons liées à la situation personnelle de l’associé.

Il convient alors d’étudier la jurisprudence rendue à ce sujet.

Il a été jugé pour exemple, l’existence d’un juste motif pour les raisons suivantes en raison de l’âge et de l’état de santé de l’associé :

  • associé âgé de 94 ans justifiant par des certificats médicaux être dans l’impossibilité de voyager et de se déplacer, souffrir de problèmes cardiaques et d’un handicap pour marcher (Tribunal Judiciaire de NICE du 6 mars 2020) ;
  • associé âgé de 76 ans présentant une insuffisance respiratoire sévère de type BPCO, sous oxygène 24h/24h (CA Chambéry du 15 janvier 2013) ;
  • associés âgés de plus de 80 ans atteints de pathologies respiratoires et ne leur permettant pas de séjourner en altitude et donc dans le logement situé à LA PLAGNE (CA Chambéry du 15 janvier 2013 + CA Chambéry du 21 mai 2013) ;
  • associés nés en 1935 et 1939 justifiant que l’état de santé de l’épouse ne lui permet plus les déplacements sur de longues distances et les absences prolongées de son domicile (pour un appartement à Ténérife) et, que l’état mental de leur fille les empêche également de se rendre aux iles Canaries (TGI de Nanterre du 13 septembre 2012) ;
  • associée âgée de 87 ans justifiant être atteinte de pathologies la contraignant à une mobilité extrêmement et de plus en plus réduite, par difficultés majeures de marche et, époux âgé de 86 ans et présentant un déficit moteur majeur et définitif contrindiquant tout déplacement pour un long trajet dans le Var (TGI de Paris du 7 novembre 2012) ;
  • associés âgés de 85 et 86 ans justifiant de certificats médicaux laissant apparaître pour l’un une aggravation d’état de santé suite à AVC (troubles de l’équilibre, démarche hésitante) et pour l’autre, une perte d’autonomie avec un handicap de 80 % d’invalidité, en fauteuil roulant (TGI Bonneville du 6 décembre 2017) ;
  • associés demeurant à pratiquement 1000 kilomètres de la résidence de tourisme et alors que les époux justifient pour l’un, qu’il ne peut effectuer de longs trajets ni des efforts prolongés et qui ne peut être en position assise longtemps (CA Rennes du 13 février 2018) ;
  • associés démontrant des problèmes de santé et avoir tenté vainement de mettre en vente leurs parts à un prix modique (CA Paris du 23 janvier 2018).

En revanche, il a été considéré que l’associé ne justifiait pas de l’existence d’un juste motif au sens de la loi précitée pour prétendre se retirer de la société dans les cas suivants:

  • associé qui sollicitait le retrait compte-tenu d’une contre-indication médicale de voyager en avion qu’il justifiait par la production d’un certificat médical (CA de Paris du 28 juin 2013 & CA de Paris du 20 décembre 2012) ;
  • associé justifiant d’une impossibilité de continuer à bénéficier personnellement du bien situé à Meribel à 1700 mètres d’altitude pour des raisons de santé, mais ne démontrant pas des démarches sérieuses pour vendre ses parts sociales et l’impossibilité dans laquelle il serait de revendre ses parts (TGI de Paris du 2 juin 2016) ;
  • associé n’établissant pas, par la seule allégation de son âge et de ses problèmes de santé, un motif légitime lui ouvrant droit au retrait sollicité dans la mesure où la jouissance des droits peut également se réaliser par le prêt, l’échange ou la location et que le retrait est très désavantageux pour les autres propriétaires qui devront supporter les charges (CA de Chambéry du 11 avril 2013) ;
  • associé, qui faisait état de deux certificats médicaux mentionnant une opération de la hanche et un suivi cardiaque, mais ne démontrant pas une réelle impossibilité de vendre, ne justifiant d’aucune démarche pour louer les semaines attribuées, et démontrant seulement que si le cession de parts est difficile, elle n’est pas impossible (CA de Nancy du 27 mars 2014).

L’on s’aperçoit que des faits d’espèce semblant similaires ont donné lieu à des décisions allant dans un sens opposé les unes des autres.

Une chose est sûre : la demande de retrait pour juste motif, si elle veut prospérer, doit être démontrée par des pièces et démarches sérieuses et multiples.

Clement Diaz Avocat